Contrefaçon ou "Fair use" ?

En guise de Base pour une défense dans d’éventuels procès, voici quelques éléments de réflexion sur les problèmes juridiques soulevés par Le Décodeur ("risques de contrefaçon pour atteinte aux droits patrimoniaux et au droit moral des auteurs cités, compte tenu à la fois du défaut d’identification clair et précis du nom des auteurs et des œuvres reproduites, de la réécriture de certaines citations en violation du droit moral des auteurs, et de l’incorporation dans le roman d’un nombre important de citations qui en constituent la substance même") :

La démarche à l'oeuvre dans Le Décodeur ne procède d’aucune visée subversive, telle que la revendiquent les adeptes du slogan « La propriété intellectuelle, c’est le vol !» ou encore les épigones de Debord et Lautréamont (« Le plagiat est nécessaire, le progrès l’implique »). Il ne s’agit pas non plus de sacrifier à la mode du sampling, du cut-up ou du copier-coller, telle que la pratiquent " les scripts DJ’ en vogue", ouvertement raillés dans le roman (chapitre scénario). Le Décodeur fait plutôt écho à la sentence de Montaigne (« Nous ne faisons que nous entregloser ») et s’efforce d’en tirer toutes les conséquences.

A l’heure du bombardement informationnel généralisé, la prétention à l’originalité n’a plus lieu d’être, sauf peut-être pour les créatifs de la pub... Inventer des histoires nouvelles, des visions nouvelles, des concepts nouveaux, des personnages nouveaux, c’est se condamner à alimenter le tout-à-l’égout médiatique, en contribuant à la construction de la grande illusion sociale. A l’inverse, procéder par prélèvements, détournements, abstractions successives, c’est se donner une chance d’échapper à la falsification générale, pour enfin « romantiser le réel » (Novalis). Si Le Décodeur récuse toute accusation de contrefaçon et s’affirme comme une œuvre singulière, c’est précisément parce que le travail de citation y est à la fois :

- systématique, puisque le texte se présente explicitement comme un tissu de sons, d’images et de mots inscrits dans une mémoire vive ;

- réfléchi (aux deux sens du terme), puisque le travail de citation y est rigoureusement motivé (notamment dans les chapitres scénario et réalisation), et que le texte, auto-référentiel, se donne à lire comme dans un miroir ;

- trans-figuratif, puisque tous les emprunts font l’objet d’un travail de déplacement, de condensation, qui les projette sur un autre plan. (D’où l’importance stratégique du générique en fin d’ouvrage, qui situe clairement Le Décodeur en dehors du champ romanesque standard, avec personnages, intrigues, etc. – notions que ce texte s’emploie à dynamiter de l’intérieur).

Voir également le billet d'Eric Lint intitulé Au-delà du plagiat.